Régis Hector, crayon sur le cœur

Le dessinateur de presse et illustrateur de bande dessinées, fils de déporté mais surtout crayonneur engagé fait bouger son crayon à la vitesse de ses émotions.

Régis Hector traduit son engagement et défend le peuple ukrainien dans ses dessins pour Opinion Internationale. (Photo, Arthur Charlier).

Dessins d’ados. D’un côté, un jeune de 15 ans, passionné par le dessin envoie chaque jour l’illustration du monde qui l’entoure à son frère parti au service militaire. De l’autre, un ainé exemplaire qui lui fait rencontrer Cabu – célèbre dessinateur de presse pour Charlie Hebdo assassiné lors des attentats en 2015 – qu’il côtoie sur le plateau de récré A2. Un point de bascule pour ce jeune qui n’avait qu’une seule chose en tête « Je regardais toujours les dessins de presse et je me disais que c’est ce que je voulais faire ». Entré aux Beaux-Arts de Metz, Régis Hector s’amuse et intègre la presse par la porte de la publicité, un monde qu’il ne quittera pas de sitôt.

Les assiettes crissent, la machine à café broie du grain et les habitués du coin se retrouvent en ce début de matinée dans ce café de Metz où est assis Régis Hector. Pile de dessins sur la table, trousse de crayons à moitié renversée, il vient de terminer la lecture d’Aujourd’hui en France. C’est son outil de travail, celui qui dicte ses journées. « Un grand café s’il vous plaît », spéculoos trempé dedans et le natif de Metz engage la discussion. Et l’ancien du Républicain Lorrain traîne un certain engagement dans ses dessins depuis toujours, surtout depuis qu’il est en poste à Opinion Internationale. En 2019, le web media lui fait appel et lui propose un poste qui lui permet de se libérer « J’ai un peu quitté mon côté neutre parce que j’ai une sensibilité plus proche d’eux. J’illustrais la guerre en Ukraine et le jour de l’invasion j’étais au salon du livre, on s’est dit qu’il fallait faire quelque chose ». Un bout de phrase qui s’est vite transformé en dessins « anti Poutine, et je ne dis pas anti-Russes. Ils sont victimes de leur histoire, ils n’ont jamais vécu très librement. »

Débuts d’histoires d’amour. Le musée de Kiev décide d’exposer ses œuvres et Hector se lance dans une BD pour raconter l’histoire des lieux. A 59 ans, il veut permettre aux Ukrainiens et aux habitants des pays baltes de parler de leur combat. Une bande dessinée scénarisée par l’un de ses meilleurs amis, Marc-Antoine Deroubaix, devenu son associé en 2017 pour la création d’une saga sur la révolution égyptienne. Un ami inséparable toujours aussi admiratif de son caractère tranchant « c’était une demande du peuple, donc ça lui tient à cœur de raconter ceci avance Marc-Antoine. Même six ans après, il était encore touché par les événements et me posait des questions super précises. »

Agacé par les cris des serveurs et les bruits d’assiettes incessants, le barbu à lunettes hausse le ton. Les yeux fixés vers le bar, il préfère rassurer « Je n’utilise pas de balles mais des bulles. Mon arme c’est mon crayon. ». Loin d’être un bagarreur malgré ses épaules bien carrées, il utilise le dessin et la liberté de parole pour faire réfléchir et passer des messages, « c’est ça les balles ».

Et des messages, il en a plein la tête, pourtant c’est bien son cœur qui parle. Issu d’une famille de déportés, il aimerait raconter l’histoire de son grand-père en dessins, pour lui, mais aussi pour sa mère « j’ai envie de le faire avant qu’elle ne ferme les yeux » déplore le grand gaillard. Un objectif qu’il traduit désormais dans son implication associative. Membre des associations Fort de Queuleu et Amicale Natzweiler-Struthof, il se bat pour conserver la mémoire « Si on ignore notre passé, le futur est foutu. Il faut toujours alimenter et faire en sorte que ça reste. Si on rase tout, ça va recommencer » avance le maître du crayon, le regard tendre, pointé vers son épaule.

Histoires sportives. En tant que grand adepte de vin, l’enfant de Joeuf passe plus de temps à regarder le sport qu’à le pratiquer. Le comble, c’est qu’il se débrouille vraiment bien à ce poste. Son engagement profond lui permet d’animer la passion de son oncle, ancien joueur et entraîneur du Joeuf-Homécourt Basket à travers ses dessins. Et comme pour le vin, il n’y a que quelques paramètres qui diffèrent du football. Une raison pour laquelle Hector a accepté sans réfléchir la demande du Football Club de Metz pour retracer les 90 ans du club. Plutôt lettres que chiffres, c’est lui qui y a mis le point final « Moi je m’en fous de raconter un match, je suis pas YouTube. Derrière il y a une histoire d’hommes et ça nous intéresse. »


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